Quelle discipline plus propice aux exploits que l’alpinisme ? En faisant progresser notre statut d’homme, les athlèto-artistes signent des performances d’où jaillissent le beau. Une forme d’art marquée par un engagement total, où la frontière entre la vie et la mort n’a plus lieu d’exister. Rétrospective de cing exploits à travers cinq vidéos.
Walter Bonatti – Pilier Sud Ouest des Drus

Avec son ascension en solitaire aux Drus, Walter Bonatti marque pour toujours l’histoire de l’alpinisme. Partit pour six jours en autonomie totale, il pose la plus belle image d’une pratique traditionnelle où il était encore question de l’impossible. Cette aventure est une longue histoire freinée à de nombreuses reprises par des conditions climatiques défavorables, les tentatives se sont longtemps succédées avant que l’ occasion se présente enfin. Pour la savourer pleinement, il est indispensable de se plonger dans le chapitre qui en relate l’aventure dans Montagnes d’une vie. Jamais un homme n’était allé aussi loin dans sa solitude, son courage et sa volonté.
Ueli Steck – Speed Solo, Face Nord des Grandes Jorasses

Alpiniste Suisse sur-entraîné, Ueli Steck réalise des solos incroyables, des ascensions sans aucune assurance. Il va même jusqu’à pulvériser des records de vitesse, en gravissant des faces nord de 1800 mètres en moins de trois heures, et de 1500 en moins de deux heures ! C’est par de superbes vidéos qu’il nous fait découvrir ses réalisations hors du commun, le mouvement précis de ses piolets et de ses crampons. L’homme dans son immense fragilité, mais aussi dans son incroyable force mentale.
Ueli Steck speed soloing on the Grandes Jorasses from Jonathan Griffith on Vimeo.
Reinhold Messner – Sass Pordoi, Dolomites

On ne compte plus les exploits de Reinhold Messner. Si l’Italien fut le premier homme à gravir l’Everest sans oxygène, il fut aussi le premier à atteindre les 14 sommets de plus de 8000m, tous situés en Himalaya. Mais c’est dans les Dolomites que l’alpiniste est né et qu’il a ouvert de nombreuses voies, qu’il a même pour certaines gravi en solo intégral. Servie par une musique qui retranscrit parfaitement l’ambiance d’une telle ascension, la vidéo nous berce par la symphonie de la Montagne.
Marco Siffredi – Voir les Réalisations

Disparu sur l’Everest à l’âge de 23 ans, Marco Siffredi a écrit de magnifiques pages dans l’histoire de la Montagne. Ce Snowboarder de l’extrême grimpait les sommets pour ensuite les redescendre sur son surf, en empruntant des pentes jusqu’à 60 °. C’est l’esprit du personnage et son élan de vie qui impressionne, faisant de lui un homme qui en vingt ans aura vécu trois fois plus que bien des octogénaires. Le documentaire « Marco : Étoile Filante » nous fait découvrir l’alpiniste et toutes ses qualités, l’homme qui n’a jamais accepté de se vendre pour réaliser ses rêves.
Kilian Jornet – Courmayeur → Chamonix

Le champion de Trail Running s’exprime de plus en plus en haute montagne. Il a rejoint les deux capitales de l’alpinisme que sont Courmayeur et Chamonix en moins de 9 heures par la face sud du Mont Blanc. Par sa rapidité et son aisance, l’homme rentre en communion avec une nature dont il est depuis longtemps tombé amoureux. L’élégance de son pas et la détermination dans ses projets apportent à ses courses des dimensions artistiques et humaines. «Laisse tes pas te guider, ils t’emmèneront là où tu aimes être le plus.»
J’espère que l’ article vous aura plu et que certains d’entre vous y trouveront l’adrénaline de l’inspiration. Il n’est bien sûr pas question d’énumérer dans un classement improbable ce qui constituerait les meilleurs exploits dans l’histoire de la montagne, mais de vous en présenter certaines figures emblématiques. D’autres rétrospectives sur le thème sont prévues à l’avenir, mais d’ici là n’hésitez pas à parler des personnes que vous admirez, même en dehors de ce milieu, en inscrivant un commentaire ci dessous. Car admirer, c’est déjà comprendre.






Curieux que tu n’ai pas parlé de Patrick Edlinger ^^
Salut Hiroshi !
J’ai choisi de limiter les personnalités à cinq, pour que l’article soit lisible et agréable à parcourir. J’aime énormément ce qu’a fait Patrick Edlinger, mais là je souhaitais parler de montagne plutôt que de falaises. Il y a de fortes chances pour que j’écrive sur lui à l’avenir. Il y a vraiment plein d’exploits fabuleux dans la montagne, je m’intéresse en ce moment à Hermann Buhl, alpiniste autrichien qui « choisissait ses ascensions en fonction du degré d’ouverture de ses chaussures » (Vertiges, Gilles Modica). Un troisième et dernier aticle sur le thème devrait paraître cette semaine, afin de cloturer le cycle et avant de repartir dans la figurine qui me démange beaucoup en ce moment. Il y aura sûrement des articles sur la montagne au cours de l’année, mais plus rares. Jolie comme tut ton nécromancien :)
Un très bel article,très instructif pour ceux auxquels l’alpinisme ne parle que peu, ou pas.
Néanmoins, je me permet une petite remarque, qui me semble assez liée au sujet, et en particulier sur la phrase « Une forme d’art marquée par un engagement total, où la frontière entre la vie et la mort n’a plus lieu d’exister ».
J’ai plutôt l’impression que c’est le contraire. C’est la plus pure expression de la vie, sa perception la plus immédiate qui entre en jeu dans ces exploits physiques. La frontière ne disparaît pas mais est plus marquée que jamais: la mort est inconcevable en tant que telle car antithèse absolue de la vie -et donc incompréhensible par les êtres animés par la vie que nous sommes-, c’est donc dans ces moments les plus « vivants », qu’elle échappe le plus à toute possibilité de conscientisation; la mort s’éloigne de nous. Paradoxalement, c’est donc dans ces moments où les événements nous entraînent le plus vers la mort, que les lignes de vie et de mort s’éloignent le plus possible: la mort est présente en permanence et pourtant totalement éloignée de ce que l’être ressent: un concentré absolu de vie.
Bref, loin de moi l’idée de vouloir faire étalage de pensées, c’est surtout que cette question que tu « poses » me semble assez fondamentale…et j’espère avoir été assez clair et pas trop confus, ce qui n’est pas évident dans la concision exigée par le format du blog… Pour approfondir la question si l’envie se fait sentir je te conseille La Traversée des Catastrophes, de Pierre Zaoui (2010, ed. L’Ordre Philosophique, Seuil), assez complexe à lire, mais très synthétique et développant des idées qui semblent vraiment pertinentes sur ce sujet de la frontière entre mort/la vie.
-B_T_B-
Bonjour !
Merci beaucoup pour ton commentaire et les explications que tu y transmet. Elles m’ont bien aidé et apporté un meilleur regard sur le sujet.
Je suis pleinement d’accord avec toi, la frontière y est en effet justement renforcée. Je sentais, en écrivant le chapeau de l’article, que quelque chose ne sonnait pas. Ce que j’ai écris n’est pas juste, merci de me l’avoir montré :)
Juste pour tenter d’expliquer l’utilisation de ce terme, j’avais en tête l’idée que les alpinistes ressentent énormément l’angoisse de la mort, ce qui déclenche presque un état psychique trouble. Quand on pratique des activités non exposées, on ne ressent pas les contrastes entre le sentiment profond de la peur de mourir et l’exhalation de vivre, et ainsi il n’y a pas d’état de frontière. Mais on s’impose un peu une frontière quand on commence à s’aventurer quelque part, en prenant un léger risque, on se freine rapidement et on n’accepte pas de « trembler » psychiquement. On s’impose en quelque sorte une frontière, qui est le danger, et qu’on n’ose pas franchir en faisant en permanence le calcul de ses gestes. Il y a comme une méfiance ou une peur qui aggrandirait cette frontière, que l’on créé de nous même. Dans l’exemple de l’alpinisme, on est tellement fragilisé par l’environnement qu’il n’y a plus besoin de réfléchir à une frontière mentale, car on est en plein dans les vagues, et que le frontière est alors plus que la chute.
Merci pour le conseil de philosophie, j’ai vu que l’on pouvait écouter quelques interventions de ce philosophe, je vais m’y intéresser ainsi qu’au livre.
Bonne peinture et à bientôt.